Le sabre en bois qui a formé la doublure du “Dernier Samouraï” aux enchères pour le climat – Interview de Pascal Guillemin

Comment le sabre en bois utilisé pour former la doublure de Tom Cruise dans le film Le Dernier Samouraï (2003) s’est retrouvé aux enchères pour le climat ? Dans cette interview de Pascal Guillemin, 6ème dan UFA, nous revenons sur les circonstances qui ont conduit à cette action menée pour Team for the Planet.

FFAAA : Pascal, tu comptes aujourd’hui parmi les professionnels de l’aïkido en France. Comment as-tu découvert les arts martiaux ?

Pascal Guillemin : Après deux échecs, dans deux disciplines sportives différentes. Vers l’âge de 15 ans, je sentais déjà en moi une fibre sportive exacerbée. Certaines prédispositions physiques m’ont permis d’accéder à de belles opportunités de carrière dans le sport, bien qu’elles se soient fermées aussitôt à cause d’incompatibilités d’humeur ! La première dans le football au PSG, où j’ai été renvoyé 15 minutes après avoir été sélectionné. La seconde dans le tennis, où j’ai quitté une prestigieuse académie privée après quelques heures de jeu … J’avais tout misé sur le sport pour faire carrière, mais j’étais dans une impasse. Puis un jour, en entrant dans une librairie pour feuilleter des magazines sportifs, je suis tombé par hasard sur une image de Christian Tissier dans la revue Bushido. C’est ainsi que j’ai découvert les arts martiaux et que je me suis engagé dans la pratique de l’aïkido.

FFAAA : Pourquoi cet article du magazine Bushido a-t-il autant attiré ton attention ?

Pascal : La première chose qui m’a interpellé est la photo de Christian, ce qu’il dégageait. Quelques jours plus tard, je m’entraînais au Cercle Tissier à Vincennes, avant de prendre la décision de m’engager à un niveau professionnel. À 17 ans, je ne faisais déjà plus que ça, en pratiquant plusieurs heures par jour ! Et ça ne s’est jamais arrêté.

FFAAA : Lors de tes premières années de pratique au Cercle Tissier, as-tu rapidement suivi les entraînements aux armes, notamment le travail au sabre ?

Pascal : Tout à fait. L’entraînement au bokken, le sabre en bois, est traditionnellement inclus dans l’apprentissage de l’aïkido. J’ai très vite perçu la complémentarité entre le travail aux armes et le travail à mains nues.

FFAAA : De pratiquant d’aïkido, comment es-tu devenu chorégraphe et acteur de scènes de combat à la TV et au cinéma ?

Pascal : Grâce à Alain Figlarz, un chorégraphe et metteur en scène de cascades qui était déjà largement connu en France et au-delà. C’est incontestablement une des personnes qui a le plus révolutionné les scènes de combat sur les écrans, en travaillant au tournage de films tels que Le Pacte des Loups en 2001 ou encore La Mémoire dans la Peau (Jason Bourne) en 2002. Il y a 25 ans, Alain est venu au Cercle Tissier car il avait besoin d’un aïkidoka pour tourner un épisode de la série Les Cordier, juge et flic. Une jeune actrice devait y prendre le rôle d’une professeure d’aïkido. Christian m’a envoyé sur le tournage pour la former au maniement du ken. Suite à cette expérience concluante, j’ai gardé contact avec Alain et nous avons continué à travailler ensemble.

FFAAA : Comment es-tu arrivé au projet de tournage du Dernier Samouraï ?

Pascal : J’y suis arrivé sans le savoir ! Tout a commencé avec un appel téléphonique de Jean-Jacques Desplanques. Il m’a dit qu’il avait besoin d’être formé au combat au sabre dans le cadre d’un projet important. J’ai accepté de l’aider sans en savoir davantage. Nous nous sommes entraînés au ken pendant des semaines, en travaillant notamment les classiques d’aiki-ken et de kenjutsu kashima. Il m’a expliqué plus tardivement qu’il allait être la doublure de Tom Cruise pour le film Le Dernier Samouraï.

FFAAA : Tu n’as donc pas participé au tournage du Dernier Samouraï, mais tu as permis à Jean-Jacques Desplanques d’être suffisamment entraîné pour devenir la doublure de Tom Cruise ?

Pascal : En effet. Le tournage du Dernier Samouraï a eu lieu en Nouvelle-Zélande. Il faut savoir que Jean-Jacques est un professionnel qui apprend rapidement, en plus d’être un grand travailleur. Les quelques semaines d’entraînement passées ensemble en France lui ont permis d’assurer pleinement son rôle. Cela dit, Jean-Jacques a rencontré un acteur qui était lui-même très impliqué et qui s’est sérieusement préparé pour devenir le “Dernier Samouraï” ! Tom Cruise s’est en effet intéressé au code d’honneur du samouraï et il s’est entraîné au ken de manière autonome, avant le tournage. Au final, il a surtout eu besoin de Jean-Jacques pour le doubler dans les scènes de combat à cheval.

FFAAA : En regardant Le Dernier Samouraï, tu as retrouvé dans les scènes de combat le travail que tu avais réalisé avec Jean-Jacques Desplanques ?

Pascal : Oui, même si j’ai mis un peu de temps à faire le lien. Il faut savoir que trois années s’étaient écoulées entre les séances d’entraînement avec Jean-Jacques et la première diffusion du Dernier Samouraï à la télévision. Cette expérience avec Jean-Jacques était déjà loin derrière moi. Un soir, je me trouvais dans mon salon en train de zapper les chaînes de télévision, quand je suis tombé sur un film à l’ambiance japonisante sur Canal +. Je vois Tom Cruise et des scènes de combat qui me donnent une impression de déjà-vu. Et là, soudainement, je reconnais le travail réalisé trois ans plus tôt !

FFAAA : Le 10 février prochain, le bokken que tu as utilisé dans le cadre de cette expérience pour le Dernier Samouraï est mis aux enchères par Team for the Planet. Tu nous expliques ?

Pascal : Team for the Planet est un mouvement collectif finançant des innovations ouvertes pour lutter contre le changement climatique. Ses actionnaires ont réuni des sportifs de toutes disciplines et les ont invités à mettre un objet aux enchères le 10 février 2025, à l’occasion d’un événement organisé avec le Vendée Globe pour célébrer la fin de la course. Les fonds récoltés avec la vente de ces objets seront utilisés pour financer des solutions destinées à préserver la planète. Lorsqu’on m’a proposé de faire partie de ces sportifs pour représenter l’aïkido, je me suis demandé quel objet je pouvais proposer. J’avais gardé ce ken associé au Dernier Samouraï et j’ai trouvé que c’est un objet sympa, peu connu du grand public et qui représente bien l’aïkido.

FFAAA : Que dirais-tu à des personnes qui ne connaissent pas l’aïkido pour les encourager à en faire l’expérience ?

Pascal : La pratique de l’aïkido est une excellente occasion de développer ses capacités physiques et mentales. C’est l’une des seules disciplines qui permet de se développer ainsi, en-dehors d’un système de compétition. Ce qui me fascine dans la pratique de l’aïkido, c’est que cet art martial permet aux pratiquants de travailler sur leur ego sans qu’ils s’en rendent compte. Il nous apprend qu’il n’est pas nécessaire d’entrer dans un rapport de force pour arriver à ses fins, à accepter de renoncer au combat sans perdre la face, à construire un rapport gagnant-gagnant … autant d’apports qui sont utiles au quotidien ! Nous croisons finalement très peu d’adversaires dans notre vie personnelle ou professionnelle. Ce sont davantage des opposants avec lesquels l’aïkido nous invite à faire un bout de chemin.

FFAAA : Et comment retrouve-t-on concrètement ces apports de l’aïkido lors des entraînements ?

Pascal : D’un point de vue technique, l’aïkido se distingue par l’harmonie que le pratiquant cherche à instaurer avec son partenaire, en s’appuyant sur le corps et l’action. Les mouvements reposent sur l’idée de traverser une attaque dans un esprit de détachement plutôt que de la bloquer. Bien que l’aïkido ne soit pas directement assimilable à la self-défense, il offre des outils pour se sécuriser grâce à des mouvements simples et accessibles. Il permet également de développer des notions essentielles comme la gestion de la distance, l’attitude posturale et comportementale. Enfin, c’est une excellente manière d’aborder les principes de biomécanique, en apprenant par exemple à déstabiliser un partenaire en appliquant une pression sur des points précis du corps.