Portrait de Philippe Theis, 5e dan UFA (Aïkido Nancy SC)
Pourriez-vous vous présenter ?
J’ai commencé l’aïkido en 1999 à l’âge de 7 ans en Lorraine. J’ai eu différents enseignants et passionné depuis l’enfance grâce à mes parents, j’ai très tôt participé à de nombreux stages d’experts variés en France et à l’étranger. Aujourd’hui et depuis 15 ans, ma pratique se construit essentiellement autour de Franck Noel Shihan et Christian Tissier Shihan. J’ai obtenu mon DEJEPS à 20 ans en 2012 et depuis j’ai ouvert plusieurs dojos à Nancy (Aikido Nancy SC et Punch Nancy) puis à présent à Montigny-lès-Metz dans une caserne militaire (Aikido CSAG Metz) qui compte une soixantaine de pratiquants. Je me suis investi au sein de la fédération notamment dans l’ancienne Ligue Lorraine pendant 10 ans dont sa présidence puis la présidence de la Ligue Grand Est et la responsabilité de la commission handicap nationale. En parallèle, je pratique aussi le Iaïdo et Jodo.
Vous avez passé l’examen fédéral du 5e dan (à 31 ans), pourquoi vous être prêté au jeu de l’examen ?
Au départ, j’ai longuement hésité, puis c’est l’échange avec plusieurs senseïs qui m’a convaincu de l’intérêt pour ma pratique d’avoir la possibilité d’être actif dans une démarche de grade haut niveau.
Par ailleurs, à partir du moment où un examen est mis en place, il me semblait incontournable par mon âge et parcours de me prêter à cet exercice à la condition qu’il soit pour moi un moyen de progresser dans ma pratique, de nourrir ma réflexion et que j’ai l’accompagnement nécessaire de mes pairs dans une logique de compagnonnage. Ces conditions ont été remplies et cela été pour ma part une expérience enrichissante, que j’ai tenté de prendre le plus possible au sérieux.
Dans cette perspective, le format actuel (qui n’a que deux ans de recul) me semble encore perfectible. En dehors de toutes préoccupations fédérales et institutionnelles, le fait de travailler à l’écrit et sur le tatami sur un sujet aiki durant plusieurs mois en profondeur est définitivement pertinent pour sa progression personnelle, la maturation de notre propre pratique, le développement d’une logique transversale entre la théorie et la pratique (et donc l’enseignement). Il a été rappelé plusieurs fois que cela permettra à la fédération d’y puiser de futurs ressources. Permettez-moi de prendre le sujet d’un autre bout et de souligner l’utilité pour les pratiquants de faire ce travail de recherche pour leur progression dans notre Budo et du rôle d’accompagnement que se doit la fédération afin de le rendre possible au service l’évolution de ses aikidokas passionnés. Il me semble légitime de penser la fédération comme facilitateur et aidant à la progression de ses licenciés sur le chemin de la pratique au sens le plus pur du terme.
En définitive, l’examen s’il est pris à cœur par les candidats est clairement un facteur d’évolution personnel dans la discipline! Il faut sans doute se rappeler humblement que cet examen reste une spécificité de notre fédération à ce jour et que le dossier pour un 5e Dan n’est ni à dévaluer et ni à opposer à l’examen.
Sur quelle thématique avez-vous réalisé votre mémoire ? Pourquoi ce choix ?
Mon sujet de mémoire pour l’examen du 5e dan était « la recherche d’économie dans la pratique de l’aïkido ». Je souhaitais aborder cette thématique de la recherche d’économie sous l’angle de l’efficience : obtenir un maximum d’effets face aux énergies déployées. Partant du constat que toute recherche de technicité est une recherche d’efficience. J’ai choisi le triptyque Shin Gi Tai (schématiquement : mental, technique et corps) comme grille de lecture et d’analyse à ce mémoire.
Deux raisons m’ont motivé dans ce choix :
– La première est que dans notre parcours en aïkido et dans le Budo plus généralement, nous avons tous éprouvé cette sensation quasi magique en observant un expert qui, par la précision de son art, semble extérieurement faire bien peu de choses tout en causant à l’inverse chez son uke une démultiplication des effets de sa technique. Loin des aspects mystiques, il me semblait intéressant de s’interroger sur les moyens pouvant nous permettre de tendre vers cette économie dans notre pratique aïki.
– La seconde est plus cartésienne, je voulais m’inscrire dans une certaine logique fédérale à travers des travaux du CTN sur le langage commun. L’économie est un des sujets qui n’a pas été encore formalisé dans les documents du CTN, il me semblait donc d’autant plus pertinent de me pencher sur la question. Franck Noel Shihan qui a été à l’initiative de ce travail sur le langage commun m’a beaucoup accompagné dans ma démarche et je souhaiterais en profiter pour le remercier car il a très largement permis que cette expérience soit aussi enrichissante.
Quelle était la thématique de votre démonstration ? Comment l’avez-vous préparée ?
Il me semblait cohérent de faire un pont entre l’écrit et la technique et donc de construire la démonstration technique en suite logique et incarnation du travail de mémoire. J’ai donc construit la démonstration technique de l’examen en ce sens. J’ai d’ailleurs repris cette logique pour la démonstration du Kagami Biraki même si le cadre de l’évènement a rendu nécessaire des adaptations et modifications.
Concernant la préparation, j’ai d’abord fait mon travail de mémoire, puis petit à petit la construction du plan de la démonstration qu’il a fallu ensuite minuter et maturer. J’ai aussi orienté mes cours en fonction au dojo pour travailler les techniques, leur lisibilité et la logique de construction puis j’ai profité de quelques minutes avec mes ukes Tania et Stéphane en fin de cours pour filmer une mise en situation. J’ai eu beaucoup de chance avec mes partenaires qui m’ont accompagné dans cette préparation ainsi qu’un de mes senseï Paul Matthis qui m’a fait beaucoup de retours pertinents sur cette partie de l’examen.
Vous considérez-vous comme un professionnel de l’Aïkido ?
Je me considère comme un pratiquant passionné essentiellement mais aussi comme un enseignant engagé pour son dojo et ses élèves. Professionnellement je suis conseiller en génétique, l’aïkido est une activité de plaisir et de partage qui a une large place dans ma vie mais je n’en dépends pas financièrement ce qui me permet de vivre ma pratique selon mes envies sans questionnement sur la rentabilité. J’ai toujours eu à cœur le bénévolat, ce qui s’est aussi traduit dans mon implication fédérale. Historiquement, la Lorraine FFAAA a une longue tradition de gratuité et de bénévolat qui me tient à cœur de préserver dans mes possibilités.
Comment voyez-vous évoluer votre carrière en Aïkido dans les prochaines années ?
Actuellement, je suis avant tout pratiquant et responsable technique de dojos. Je n’occupe plus de fonction technique ou pédagogique au sein de la fédération et de ses instances régionales. En 2020, j’ai arrêté mes fonctions électives pour me dégager davantage de temps pour la pratique et suivre autant que je peux l’enseignement de Franck Noel et Christian Tissier.
C’est avec joie que j’interviens à l’invitation du CID Lorraine FFAAA depuis quatre ans régulièrement pour animer des stages et formations. Ensemble nous avons notamment mis en place des stage armes qui n’existaient pas en Lorraine, des cours départementaux en semaine pour dynamiser certains dojos parfois excentrés et aller au plus près des pratiquants ou encore des préparations aux grades avec la création de documents supports. J’interviens aussi à l’invitation de dojos pour des stages privés et aussi pour animer des stages départementaux pour le CODEP FFAB des Vosges.
Nous mettons d’ailleurs en place cette saison un stage interfédéral à la Pentecôte coorganisé par le CID Lorraine FFAAA et le CODEP Vosges FFAB : une grande première !
Pour les prochaines années, j’ai malheureusement comme souvent bien trop de choses en tête ! Avant tout, j’ai conscience qu’il faut rester modeste, on a toujours énormément à apprendre de ses enseignants, ses partenaires et de ses élèves. Un grade supplémentaire ne change pas cet état de fait et au fond seule la pratique compte !
J’ai toujours été présent et volontaire pour m’investir activement pour l’aïkido et notre maison fédérale commune en cohérence avec la nature de notre discipline et mes envies. J’espère continuer à évoluer dans ma pratique, dans une logique saine de formation continue, pouvoir bénéficier un maximum de l’enseignement de mes senseïs, développer mes dojos, accompagner mes élèves dans leur pratique et partager ma pratique avec toutes les personnes intéressées. Tout cela avec un enthousiasme constamment renouvelé !
Le chemin est sans fin, on le sait, même si parfois il est bon de se le rappeler et c’est bien ce pourquoi le voyage est si intéressant !
Propos recueillis par Yéza Lucas pour la FFAAA.
Photographies prises lors du Kagami Biraki de la FFAAA en 2024.
Démonstrateur : Philippe THEIS, 5e dan UFA
Uke : Tania MESSANCY 3e dan UFA, Emmanuel PERREIRA, 2e dan UFA, Jérémy RIZZA, 3e dan UFA